
Bulletin de commande
Cher (e)
collègue,
Nous sommes quelques uns,
psychiatres, psychanalystes, psychologues, publics ou privés,
universitaires, chercheurs à EHESS, séniors ou jeunes
internes en psychiatrie, appartenant à l'Association pour
la Fondation Henri Ey et/ou à l'Evolution
psychiatrique, à avoir tout mis en œuvre pour
rééditer dans les meilleures conditions, que seule
une
équipe d'experts
pouvait mener à bien, les fameuses Études
psychiatriques d'Henri Ey.
Ce joyaux de la psychiatrie
française du XXème siècle, assurément le
sommet de la description clinique et de la réflexion
psychopathologique, nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui vous
le proposer dans une réédition soignée avec sa
nouvelle présentation en deux volumes, une mise en page
harmonisée au repérage facilité par des reports
de texte dans les marges, des références et des index
mis à jour, des préfaces avec le point sur les
dernières recherches historiques.
Seule une équipe
pluridisciplinaire de collègues pouvait mener à bien ce
chantier qui nous a occupé près de trois ans.
Vous découvrirez
à la lecture, la mine de citations et de
références qui, avec le style incomparable d'Henri Ey,
font des Études psychiatriques un ouvrage où la
description clinique est reine, véritable trésor
sémiologique et clinique qui montre bien qu'Henri Ey avant
d'être le célèbre théoricien philosophe,
ami et contradicteur de J.Lacan, était avant tout un clinicien
hors pair, ce que tous ceux qui se pressaient à ses
leçons du mercredi à Ste Anne ou à la visite de
Bonneval savaient parfaitement.
Chacun pourra se rendre compte,
comme nous-mêmes, des audaces incroyables de la clinique
d'Henri Ey :
- remettre au premier plan le
terme de folie,
- renverser le champ de la
psychiatrie toute entière pour faire des crises, des
moments aiguës, la base sur laquelle ce champ peut se
comprendre et se recomposer.
- Opposer les classifications
obéissant à un ordre naturel compréhensible,
aux nomenclatures en liste.
- Individualiser les "
Bouffées délirantes " comme une organisation
structurale originale.
- Promouvoir un diagnostic
à double entrée, clinique et étiologique.
- S'interroger sur le passage
de l'aiguë au chronique, et sur le rôle de la
construction de la personne,
- recentrer la psychose sur
le corps vécu et les questions de temps et d'espace,
- valider les variations
cliniques et les formes de passage, etc…
Tout ceci dans un dialogue
fécond de très haut niveau avec les auteurs de son
temps : FREUD, DE CLERAMBAULT, BINSWANGER, MINKOWSKI, STRAUS,
SCHELER, MAYER-GROS, HESNARD, LACAN, LHERMITTE, DELAY, AJURIAGUERA,
sans oublier HUSSERL, SARTRE, KIERKEGAARD, DOSTOIEWSKI… qui
donne à cet ouvrage la réflexion la plus dense qui soit
pour ce que l'on nomme, au sens fort du terme, une " rencontre " avec
l'autre.
Ce passé audacieux est
indispensable à un avenir fécond de la clinique, et
nous serions heureux que les jeunes générations puisent
dans cet ouvrage, nourri de grandes observations cliniques, une
direction pour leur pratique quotidienne.
Nous espérons que notre
travail sera récompensé et que cet ouvrage depuis
longtemps épuisé, trouvera place dans sa nouvelle
formule, dans toutes les bibliothèques psychiatriques,
psychanalytiques, phénoménologiques et
psychopathologiques comme un des moments les plus forts de la
clinique et de la pensée de tous les temps au service de
l'homme.
Nous comptons sur vous tous
pour faire vivre cette nouvelle édition et défendre
avec nous le " vrai métier du psychiatre ".
Dr Patrice
Belzeaux
Président du Cercle de recherche et
d'édition Henri Ey
____________________________________________________

Études psychiatriques d'Henri
Ey
réédition 2006
Extraits de texte et citations de marge (en cours de
constitution), où pourquoi doit-on relire les
"études".
Nous donnons à lire les citations de texte que notre
comité d'experts a sélectionné pour quasiment
chaque page de l'ouvrage.
Étude N° 1 "La
folie et les valeurs humaines"
Dès 1939 (manuscrit sur l'"Histoire naturelle de la folie")
H. Ey insiste pour que l'on revienne au terme de "folie" plutôt
que de continuer à recourir au terme de "maladie mentale"
(usage dont il ne se privera pas complétement, passé un
certain temps de combat des années 34 à 68 pour la
reconnaissance de l'être malade dans son être,
plutôt que de victime d'une "maladie", En effet, la "maladie
mentale" reviendra sous sa plume en 1976 lorsque d'autres -comme lui
s'appuyant sur J.P. Sartre- tenteront, à ses yeux, d'en nier
"la réalité" ).
Ce retour au terme de "folie" était largement
partagé par son groupe d'amis qu'il avait "convoqués"
pour le 1° colloque de Bonneval en 1942, parmi lesquels Lucien
Bonnafé et quelques uns de ceux qui allaient fonder la
psychothérapie institutionnelle. On y constate cette rupture
épistémologique que décrivait si bien Georges
Lantéri-Laura entre le "paradigme des maladies mentales" et le
"paradigme des grandes structures". Rupture pour H. Ey tout à
fait consciente et nécessaire à ces yeux de jeune
médecin des asiles : il fallait rompre
délibéremment avec le mécanicisme et la
méthode anatomo-clinique du XIX° dans lequel la
psychiatrie s'enlisait. D'où l'importance de cette trouvaille
qu'est "l'écart organo-clinique" et le diagnostic (au moins)
à double entrée : clinique et étiologique, dont
on ne se départit plus même dans les DSM. Notons
à cet égard (Étude N° 20) que l'invention
des "psychotic disorders" par l'APA date de 1937.
Pour le reste de l'étude, on découvre, avec plus ou
moins de philosophie, que les problèmes d'autrefois sont
toujours , hélas, d'actualité : le manque de
psychiatres, leur formation, le manque de budget attribué
à la psychiatrie et on peut admirer la fermeté de
l'énoncé des lignes directrices d'une prise en charge
des "malades" hors des murs des asiles, lignes qui feront les heures
de gloires du "secteur". (25 ans plus tard car nous sommes avec ce
texte à la séance inaugurale des Journées
psychiatriques de mars1945...)
Chacun pourra admirer la force de conviction, "d'enthousiasme et
d'opiniâtreté" de ce discours toujours
actuel.
Citations de marges
...c'est bien chez nous, après la
Révolution française que la psychiatrie a pris son
moderne essor...
...ces concepts […] se
groupent et se déterminent sur le plan philosophique et social
relativement au problème crucial de la
liberté...
...pourtant la psychiatrie
française est en crise...
Depuis la loi de 1838 ... le désintérêt
presque total des pouvoirs publics... et le peu d'empressement pour
l'assistance psychiatrique décidément reconnue comme un
assez médiocre tremplin...
Seconde cause de la crise de la psychiatrie: la
méconnaissance sinon le dédain dont témoigne le
corps médical à l'égard du fait
psychopathologique...
...Ce qui nous manque, […] c'est un corps de
doctrine...
…Les remèdes à apporter dépendent de
[…] l'élaboration d'une psychiatrie
théorique, seule capable d'assumer un vigoureux système
d'assistance…
...la création d'une nouvelle législation qui
s'applique à l'étendue plus humaine et variée de
l'objet de l'assistance...
…la nécessité d'un cadre unique et
hiérarchisé des médecins
spécialistes…
…La psychiatrie doit se montrer résolument
anthropologique pour se trouver à la hauteur et à la
mesure de son objet…
…il faut que le service fermé, unique pièce,
jusqu'ici, de l'échiquier ne soit plus qu'une phase, ni
nécessaire ni suffisante, d'un cycle d'assistance plus souple
et plus varié…
…ce malade est pour nous, malgré sa maladie, une
surface de contact humain, une profondeur de résonance, un
accent, un cri qui émeut et blesse comme un écho du
drame le plus authentiquement humain…
… Il faut augmenter cet effort, l'élargir et le
faire circuler au travers d'un système assez varié,
pour permettre à chaque malade de se rapprocher le plus
possible de la vie sociale…

Extraits conclusion
De telles réformes, si elles ne constituent rien de plus
que ce qui est voulu depuis longtemps par la plupart des psychiatres,
exigent cependant un enthousiasme et une opiniâtreté qui
doivent caractériser le renouveau psychiatrique que nous
attendons tous. Elles exigent aussi beaucoup de réflexion et
de préparation car elles ne s'accommoderaient pas d'une trop
hâtive improvisation. Enfin elles exigeront de puissants moyens
matériels
Étude N° 2 "Le
rythme mécano-dynamiste de l'histoire de la médecine"
C'est cette étude que contestera
son élève G. Lantéri-Laura dans son "Essai sur
les paradigmes en psychiatrie". Il réfute en effet qu'il y ait
un quelconque rythme préétabli dans l'histoire. Henri
Ey y déploie pourtant une argumentation convainquante qu'il
reprendra plus largement dans sa "Naissance de la médecine"
basée sur la nature conflictuelle de l'esprit selon Heraclite.
On pourrait s'étonner de trouver sous sa plume des arguments
purement psychanalytiques pour expliquer les balanciers de l'Histoire
si on ne connaissait pas sa profonde adhésion à
l'idée et à la force de l'inconscient dans la
détermination et l'ancrage des croyances extrémistes du
réalisme matérialiste au nominalisme idéaliste.
Au passage on notera l'emploi, avant son élève, du
terme de "paradigme" en 1948 dans la stricte acception de Khun
(1976). Cependant la mission de la médecine est pour H.Ey de
"concilier les contraires" , de trouver un équilibre entre les
apports des courants divergents, comme un Moi qui chercherait
à concilier les poussées contradictoires de ses
pulsions.
On verra dans cette étude
émerger comme une solution équilibrée non
seulement la considération de l'être dans sa
totalité (et non plus dans ses parties) mais surtout un
certain attrait pour la médecine psychosomatique (dont il
avait exploré une partie des problématiques dans sa
thèse "Glycémie et maladie mentale"). On y voit poindre
la notion de "Stress" actuellement tellement mise en avant en
psychaitrie (les notions de "réaction" de l'organisme sera
exportée de l'organique vers le psychique; celle
d'"adaptation" lui est concommitente).
Enfin on notera l'accent qui a
été mis sur la "modification profonde" que subit le
concept de la causalité en intégrant dans les sciences
la cause finale d'Aristote.
Citations de marges
…" .Au fond, quand nous sommes en
présence d'un malade, je dis : il a une maladie - vous, H. Ey,
vous dites - il est malade... " (P. Guiraud)
... avec le dynamisme et le
mécanicisme il s'agit de deux attitudes doctrinales qui
correspondent à une des plus profondes antinomies de la
raison...
... les aspect fondamentaux du
système d'Hippocrate, c'est le Vitalisme, l'Humorisme, la
Crise ( coction) comme défense, le Naturisme
réactionnel...
…" Voulant démontrer,
écrit Hippocrate, avec exactitude les variétés
de chaque maladie, ils se sont
égarés..."
…Plus tard, juste avant l'ère
chrétienne, nous retrouvons la même opposition entre le
Pneumatisme et le Méthodisme…
…A la Renaissance les mêmes
principes doctrinaux dressèrent les médecins les uns
contre les autres…
... le développement normal de
l'esprit humain loin de suivre une ligne ascendante et droite, celle
du progrès, paraît obéir à quelque rythme
profond et obscur de la nature humaine qui alternativement
brûle ce qu'elle a adoré et adore ce qu'elle a
brûlé...
... Toutes les études sur
l'immunité, le choc anaphylactique, la sensibilisation,
l'intolérance conduisent à l'importance de la
réaction individuelle des facteurs internes ou
endogènes et du rôle des tempéraments et de
l'hérédité...
…La notion toujours plus
étendue de " syndrome " rend moins vives les limites
réciproques de ces entités. Les processus
décrits se présentent avec une grande abondance de
formes de passage ou d'espèces voisines…
…Le livre d'Oswald Schwarz a
constitué le point de rencontre du mouvement psychanalytique
et du " vitalisme " allemand de Von Uexkull, de H. Driesch , de V.
Von Weizsacker et a constitué le prélude du mouvement
qui aux U.S.A. a donné l'essor à la Médecine
psychosomatique (Weiss et Dunbar, 1943)…
... La médecine se
régénère à chaque phase de son
développement en renouant périodiquement avec l'esprit
de synthèse dynamiste et vitaliste par quoi elle reprend
contact avec l'unité de la vie....
[Mais en fait]: ... les deux
tendances fondamentales de l'esprit médical ne cessent de
s'affronter...
…Avec le xixe siècle et le
grand développement des techniques microscopiques et
physiologiques, la Médecine s'installa à nouveau dans
une position mécaniciste conforme à l'idéologie
de l'ère positiviste et du matérialisme
scientifique...
...L'expérimentation et
l'observation étaient seulement conçues comme des
disciplines dont le paradigme devait être recherché dans
la physique, la chimie et les mathématiques...
... La " crise de la médecine ",
de cette médecine-là, a été
dénoncée dès la fin du premier lustre de notre
siècle...
... l'éviction du domaine de la
maladie de la personnalité du malade devait
particulièrement être considérée comme une
lacune grave par les médecins psychologues et psychiatres.
Rien d'étonnant que Freud à cet égard ait
été un des premiers artisans de ce renversement
d'orientation des sciences médicales…
...C'est une profonde modification des
concepts de causalité qui a accompagné et
engendré cette volte-face...
…Tous ces concepts
réintroduisent la finalité dans l'étiologie et
la pathogénie des maladies...
... le propre des fonctions vitales est
précisément d'intégrer le hasard dans la
trajectoire significative de l'activité d'un
organisme...
... L'intentionnalité des
processus organiques définit la vie, mais il est clair qu'elle
constitue un mouvement qui se développe en structures et
niveaux différents depuis les tropismes jusqu'aux actes
volontaires...
…Riemann, Cartan, Einstein,
Heisenberg, Bohr modifient profondément le concept de
causalité...
...Ce n'est pas seulement dans les
maladies nerveuses que le principe mis en évidence par
Hughlings Jackson est applicable : la maladie libère les
instances vitales qui ajoutent aux symptômes négatifs de
déficit fonctionnel les symptômes positifs de la
réaction de défense de l'organisme...
...C'est justement la fonction du concept
d' " hérédité " que d'opérer
également dans la pathologie un groupement synthétique
où chaque malade efface sa propre individualité au
profit d'un cycle morbide plus large...
...Ainsi l'individualité de la "
maladie héréditaire " tend-elle à s'effacer au
profit d'un trouble métabolique plus global et à
manifestations multiples où intervient non seulement la
formule génotypique qui a constitué son support
chromosomique mais encore toutes les influences du milieu
individuel....
...Ces tendances de la pathologie moderne
à s'intéresser aux " ensembles ", aux " systèmes
fonctionnels " est remarquable dans deux aspects
caractéristiques de la médecine
actuelle...
...Plus caractéristique encore est
la conception du " syndrome d'adaptation " de Selye
...Ce " stress "...
...la maladie engage non seulement les
forces pathogènes mais aussi les forces de défense dans
un " stress " qui peut guérir ou tuer...
... La maladie apparaît comme une
dérégulation d'un cycle vital...
…La " cybernétique " pour
autant qu'elle groupe dans une même technique
mathématique et expérimentale des neurologistes ou des
neurophysiologistes comme Mac Culloch, N. Wiener, Grey Walter, etc..
et des psychiatres comme Ashby…
...la cybernétique utilisant le
concept d'information qui est à l'opposé de l' "
entropie ", elle ouvre de nouvelles perspectives sur
l'énergétique cérébrale...
…L'œuvre du grand neurologiste
K. Goldstein constitue pour nous le trait d'union entre ce que nous
venons de dire de l'orientation dynamique de la pathologie et ce que
nous allons maintenant envisager: l'aspect " personnaliste " de la
médecine contemporaine…
…la médecine psychosomatique
qui introduit toujours plus de " sens ", de finalité et
d'humanité dans la pathologie même des organes et des
appareils…
…Bergson a secoué un des
premiers le joug d'un mécanicisme…
…mais c'est surtout la philosophie
allemande qui, depuis Hegel, n'a cessé de spéculer sur
la dialectique des essences et de l'existence en s'attachant à
expliquer la totalité de l'être…
…la nature de l'homme, son
existence, son Dasein, sa spiritualité, sa liberté ou
son historicité constituent le centre de la philosophie
actuelle. Tandis que des siècles qui nous ont
précédé avaient mis au premier plan de leurs
préoccupations le monde physique, son accord logique avec
l'esprit et la nature de ses lois…
… l'idée que la vie psychique
émerge de la vie organique devrait - et au fond est
l'intuition fondamentale de notre conception de la nature des
choses…
… ces rapports (du physique et du
moral) sont des relations dynamiques entre ce par quoi nous sommes "
en soi " de la nature et ce par quoi nous existons " pour nous " dans
le monde. C'est ce que justement personne mieux que Freud n'a saisi
et c'est le sens décisif de l'opposition du " Moi " et du "
Ça " dans la réalité de nôtre
être…
… Le symptôme physique, la "
souffrance " des fonctions et des organes est en relation avec
l'angoisse. Il n'y a plus de " monarchie du symptôme physique "
… (Lain Entralgo)…
… Naturellement, l'efficacité
de la psychothérapie constitue l'argument majeur de toutes ces
études…
… ce mouvement psychosomatique,
poussant jusqu'à une manière d'absurdité la "
finalité " du phénomène " maladie " ... ne peut
pas indéfiniment se développer sans limiter toute la
pathologie des facteurs pathogènes
fortuits…
… la médecine doit trouver la
ligne de ses progrès dans l'équilibre de ces deux
tendances qui sont comme les contraires qu'elle a pour mission de
concilier…